dimanche 15 septembre 2024

Jeu de Coline #17: Je n'aime pas

“Le bus est encore en retard (et je déteste ne pas être ponctuel)”, Boucle du cœur de l’Est, UTOI, image prise par une bénévole de l’association dans la forêt de Bélouve

Bon, cette thématique ne m’inspire pas. Je n’aime pas. On change! Ben quoi, il n’est pas notifié dans le règlement que je ne puisse pas en changer les règles…du coup, ce sera en phonétique qui plus est. Thématique #17: des “bɑʁ”. Pas l’unité de mesure, même si on aime bien la pression. Ni l’endroit où elle coule à flots. Ce n’est pas non plus celle en fer. Même si avec elle, on peut tout faire. Et non, elles ne sont pas aux céréales. Quoique, ça entre plutôt bien dans le principe du Jeu de Coline et dans ma préparation générale. On ne parle pas du poisson, négatif. La langue française est quand même super riche. Une même prononciation, 15 significations différentes.

Bon, j'arrête les devinettes, ce sera des barres…comme des barres de rire…de la rigolade quoi. Parce que oui, on s’amuse et on se marre quand même bien en trail! Et pratiquer ce sport ne serait pas possible si on ne rigolait pas un peu. Pour moi, le trail, c’est avant tout un moment d'évasion et d’amusement. Sans ça, le projet n’aurait pas de sens. Les courbatures. Les ampoules. Les chutes. Les blessures. Si tu t’amuses pas à un moment, tout cela ne voudrait rien dire à part que tu as un vrai problème dans ta relation avec la douleur.

Alors voilà, j’enfile mon t-shirt, mon short, mes baskets...et c’est parti! Et où est-ce qu'on s’amuse le plus? La nuit, sous la pluie et dans la boue. Avec une frontale qui te dit que t’es sur la réserve. Que ta montre t’indique que le soleil ne se lève pas avant 1h30. Alors là on commence à jouer! Ou c’est peut-être quand tes jambes tremblent tellement après une grosse descente que tu commences à rire nerveusement sans savoir t'arrêter? La liste est longue mais voilà quelques parenthèses qui peuvent m’amuser:

- Faire des grimaces aux photographes, un classique “sale gosse”.

- Faire des blagues aux ravitaillements et dans les sentiers (Dit-donc, c’est moi ou la bière commence à mousser dans les jambes).

- Sauter dans les flaques et la boue en chantant dans sa tête “Hou la gadoue, la gadoue, la gadoue”.

- Faire le Papang, voir l’épisode #9 - En mouvement.

- Se dire qu'il est 3 heures du matin et qu’un adulte normal serait en train de dormir paisiblement.

- Traverser une île du Sud au Nord sans raison particulière si ce n’est que le concept est…drôle? Non?

- Choisir ses chaussures en fonction de leurs couleurs, évidemment.

- Manger du chocolat, du jambon et un verre de bouillon, en même temps et sans aucun problème de palais (pierres ou pas pierres, après 10 heures d'effort il n'y aura de toutes façons pas de palais).

- Discuter avec soi-même. Faire un jeu de mot idiot (Lorient est en Occident). Rigoler. Se rendre compte qu’il est vraiment intelligent. Avoir un débat sur le jeu de mot. Partir sur de la géopolitique. Tu deviens fou? Non. Oui? Et finalement. Pleurer…de rire.

- Fêter une arrivée comme un vrai Vainqueur (avec un griddy parfaitement exécuté)…alors que t’es 199ème.

- Se dire qu'après tout, ce n’est qu'un jeu et qu'on rigole quand même bien!

dimanche 1 septembre 2024

CIMASARUN - Août 2024

Photo d'avant départ 

Avec ses 56 km pour 3 800 m de dénivelé, voilà LE gros test que j’attendais avant d’attaquer la dernière ligne droite de ma préparation pour le Grand Raid. Physiquement, je suis à mon pic de forme et j’ai bien récupéré de mes dernières semaines (aucune courbature au moment de prendre le départ). Mentalement, je me sens bien et j'espère pouvoir courir libéré. La météo nous offre une nuit dégagée et une matinée ensoleillée. Les températures seront comprises entre 9 et 12°C au départ avant d’atteindre les 21°C en journée. Conditions parfaites en perspective pour cette 30è CIMASA. Alors, pas de blabla inutile pour ce préambule. Ça va être sport!



Photo finish, les Salomon Pulsar Trail pro 2 sont baptisées

Samedi 31 août 2024, 1:55, Cilaos. Le réveil n’a pas encore sonné et je suis déjà debout, en forme pour démarrer la journée. Et ça va être une belle journée…c’est jour de match! Je prends tranquillement mon petit déjeuner avant de commencer ma routine d’avant course. 20 minutes pour effectuer une séance de mobilité. Ensuite, je passe me rafraîchir à la salle de bain avant de me préparer. J’effectue toujours les mêmes gestes. Short. T-shirt. Strap, crème, chaussettes. Chaussures. J’entre dans ma bulle. Coline finit de s’habiller. Elle prend une boisson chaude et nous nous rendons au stade.

3:20, un dernier bisous et je me dirige vers le pointage. 1200 coureurs sont attendus au départ de cette 30è édition de la CIMASA. Le plateau est relevé. Les meilleurs coureurs de l'île ont répondu présent et la ligne de départ annonce des allures insoutenables. Je termine donc mon échauffement par quelques accélérations avant d’aller me positionner en 3è ligne, tout juste derrière les cadors (Jeannick Boyer, Fabrice Fontaine, Johnny Olivar, Mathis Fugier, Emmanuel Hadoux, Mathieu Desserprit ou encore Paolo Velle pour ne citer qu’eux).

4:05, les fauves sont lâchés! L’organisation a pris le parti de nous faire débuter sur un peu plus de route que prévu. Résultat, ça part très fort. Je sais que la course va être longue alors j’essaie de prendre mon rythme après un premier kilomètre rapide. On me dépasse mais je n’y prête que peu d’attention. Je me concentre sur mon allure, ma respiration et mes premières sensations. Tout va bien et j’entre progressivement dans mon événement. Au kilomètre 5, un coureur me double dans un faux plat ascendant, se positionne devant moi et n’avance plus. Je le re-dépasse. Plus tard, il revient à mes côtés et se déporte doucement vers moi. Sauf qu’à ma gauche, c’est le fossé. Je m’agace et lui fais entendre qu’il y a suffisamment de place sur la route pour nous deux. Quelques kilomètres plus tard, dans les premières rampes de la route forestière de la Roche Merveilleuse, un nouveau coureur me double et se mouche littéralement sur mes pieds. Il lève timidement la main en guise d’excuses. Ça suffit de m'énerver. Je ne dis rien mais je mets une grosse accélération et prends une dizaine de mètres en quelques enjambées. J’entends les autres coureurs qui nous entouraient pousser un “ah ouais” quelque peu interloqué. Voilà le déclic. Je ne les reverrai plus. J’entre dans le vif de mon sujet. La course est lancée pour moi.

“Le mec nous dépasse à 3’45” et dit même pas bonjour”. Avant d’entrer dans le premier single, je suis interpellé par 3 coureurs que je connais bien puisqu’il s’agit de Yoann Mornet - Directeur du DU Trail-running, Gabriel Placotaris et Antoine Cordesse - Camarades de promo. Je ralentis et retrouve le sourire. On partage le sentier pendant quelques kilomètres avant de rejoindre la route qui mène au départ du sentier du Taïbit. La mise en jambe est terminée. 1h05 pour faire 12 km et 500 m de dénivelé. Je décide de prendre les devants. Les choses sérieuses vont commencer ici.

5:10, premier pétard. Le Taïbit. Je fais une belle montée. 50 minutes pour avaler près de 900 m de D+ sur 4,5 km. Au passage du col, j’apprécie les premières lueurs du jour. Tout juste au-dessus des montagnes, un rouge vif vient déchirer le ciel étoilé. Magnifique. Après ce rapide coup d'œil, j’entame la descente vers Marla où j’ai prévu de recharger mes flasques. Arrêt express après une descente sérieuse. Le chemin continue avec une petite bosse avant d’atteindre la Plaine des Tamarins. Le sentier est boueux. Il y a des flaques d’eau. Les rondins de bois qui matérialisent le sentier sont glissants. J’avance avec un certain Fabrice Mithridate qui me suit depuis le kilomètre 11 et le début du sentier du Taïbit. Au moment de traverser la Plaine, je découvre un sol blanc. Du givre. Encore une belle image! On sort de Mafate par le col des Boeufs et la vue sur Salazie est, comme souvent, incroyable. Le levé du soleil est accompagné par les dernières brumes qui disparaissent progressivement. Plaine des Merles, PK25. Un peu plus de 3h00 de course pour moi. Je prends un peu de temps au ravitaillement pour enlever ma frontale, mon coupe-vent et ranger mes gants. C’est parti pour une longue descente vers Grand Sable et Îlet à Vidot. Fabrice ne me suis pas, il n’est pas dans sa forme habituelle. Je double un autre coureur. Je suis seul à présent et je peux aborder la course comme je l’entends. La descente est technique. Humide. Des conditions que je n’aime habituellement pas mais j’ai passé un cap. Je m’amuse bien. PK32. Un peu moins de 4 heures de course. A Îlet à Vidot, nous sommes 4 coureurs dans un mouchoir de poche. La tête de course est à un quart d’heure.

8:50, Hell-Bourg, PK40, 4h45 de course. L’allure est vraiment bonne mais je sais qu’elle va considérablement diminuer lors des prochains kilomètres. Encore une section de bitume avant d’arriver au ravitaillement. Gabriel me récupère et nous terminons le dernier kilomètre ensemble. Le voir me fait du bien au moral. Au stade, il passe le relais à son amie et m’aide dans mon ravitaillement. Dernière, mais pas des moindres, difficulté de la journée: Cap Anglais et ses 1500 m de D+ sur 8 km. Pas d’eau avant le parking du Bloc. Soit 13 km en autonomie. Heureusement, le ciel s’est couvert et il ne fait pas chaud. Le début se fait sur un tapis de racines en faux plat montant. Je n’arrive pas à courir. Je suis fatigué et j’avance laborieusement. Début des grosses pentes. J’arrive à pousser sur les jambes mais il manque la dynamique. L’explosivité. J’essaie de limiter la casse. C’est long. Ça monte. Ça tourne. Ça monte encore. Et toujours. Encore 500 m de dénivelé. 30 minutes. Accroche-toi! J’entends un coureur plus bas. Il semble être sur une bonne cadence. C’est Yoann. Il me récupère à moins de 2 kilomètres du sommet sur une allure effectivement impressionnante. Il fait une montée canon. Il me dépasse et m’encourage. Je sers les dents pour garder sa trace et ne pas perdre cette fameuse ligne invisible entre 2 coureurs. 10 m d'écart. Puis 15. Puis 20. Il est en train de me lâcher. Aaaaargh! Continue. La pente devient moins raide et sur ce terrain technique je me sens davantage à l'aise. J’arrive à me redresser et à relancer. Je reviens sur lui. Mieux. Je le double et j’impose une nouvelle dynamique avant d’aborder la descente du Bloc. Cette fois, c’est lui qui doit accrocher la ligne. J’adore ce jeu!

10:57, la bonne surprise! Un ravitaillement improvisé au gîte du Piton des Neiges est tenu par 2 personnes. Ils sont vraiment au top en proposant à boire et à manger. Le moral est à nouveau là! Avant d’attaquer la descente, je dépasse Orlan Ayaden. Il a un problème au genou. Je lui partage un mot d’encouragement et nous échangeons une poignée de main avant de continuer. Enfin au sommet après plus de 2 heures d’ascension…je vais pouvoir attaquer la descente du Bloc. 1100 de D- sur 3,5 kilomètres. Autant dire que ça va taper dans les quadriceps. Je suis fatigué. La descente me paraît bien longue. En plus d'être technique, il y a beaucoup de randonneurs qui ne sont pas toujours attentifs à leur environnement. On me rattrape et je perds une place. Est-ce que j’accroche? Je repense à Orlan. À mon objectif 2024. Je décide de lever le pied et de ne pas prendre de risque (d’autant que le garçon fait une descente en mode boulet de canon). Je reste calme et j’essaie de me détendre malgré les douleurs. J’ai des échauffements sous les pieds depuis un moment et mon genou gauche commence à coincer.

11:35, PK 53, Plateau de Chênes, enfin! Je recharge un peu d’eau pour les 3 derniers kilomètres de route jusqu'à Cilaos. Je me retourne mais je ne vois pas Yoann. Dommage. J’aurais bien terminé avec lui. Je profite d'être seul et me laisse aller. Je pense à Coline qui m’attend à l'arrivée. Je pense à cette année. À ma blessure aux tendons. On revient de loin. Cilaos. Les premiers applaudissements à 500 m de l'arrivée. Le stade. L’arche. Coline. Je passe la ligne et lui tombe dans les bras. Et pour la première fois, je lâche prise. Je fonds en larmes.

11:48, suite et fin. 7 heures, 43 minutes et 35 secondes d’effort. Un Top 15. Des émotions. De la douleur. Des hauts. Des bas. Des “j’adore ce sport”. Des “pourquoi je me fais subir ça”. Et puis de la joie quand je vois Yoann terminer avec son garçon. De la fierté quand on se félicite d'être arrivé au bout de cette CIMASA. Une édition des plus exigeantes. Et du bonheur d’alimenter encore un peu plus cette boîte à souvenirs.

Un grand bravo à l’ensemble des coureurs. Bravo et merci aux bénévoles. Big up aux 2 personnes positionnées au gîte du Piton des Neiges. Merci à Gabriel (1er relais mixte) et Yoann (16è à moins de 2 minutes) pour les encouragements et bravo à eux pour leur course. Merci à Mathieu, Timothée et Alexis (Kin’Activ) pour la préparation physique des dernières semaines. Enfin, un immense merci à Coline qui m’accompagne, me soutient et m’encourage au quotidien. Merci aux copains et à la famille pour les messages! Et merci à vous de continuer de me suivre et de m’encourager.