Plaine des Tamarins, cirque de Mafate
CIMASARUN, J+2 [FINISHER | 12è SCRATCH]
Nervosité. Ça part fort. Trop fort. Ça monte de façon agressive. Ça régule. Ça commence à devenir lactique. Ça monte encore. Pourcentages ignobles. C’est dur. Sommet. La descente fait mal. La journée va être longue. C’est encore dur. Aille la cheville. Ça fait mal. C’est dur. Ça commence à pousser. C’est dur. Mafate. Fatigue. Grosse descente. Ça tabasse dans les quads. C'est dur. Faut encore remonter. J’ai mal. Soulagement. C’est terminé.
La CIMASARUN 2025 ou une nouvelle expérience de souffrance interne! Tu l’auras compris, avec ses 53 km et quelques 3800 de dénivelé, la CIMASARUN est une course particulièrement exigeante. Tant physiquement que mentalement, elle ne m’aura à aucun moment épargné. Retour sur cette lutte contre moi-même.
Vendredi, 19:00. Avec Co, nous prenons la route pour Hell-Bourg, dans le cirque de Salazie. Après 2 heures de route, nous arrivons sur le lieu de départ où nous posons la tente. Bivouac grand luxe, on a pris les matelas, les oreillers ainsi qu’une grosse couverture car il fait froid (6°C). Réveil à 2:30 pour un départ à 4:00. Sur le papier, tout est parfait. Trop parfait. Du coup, on va corser les choses en ne trouvant pas le sommeil. La nuit est tout de suite plus courte mais j’ai eu le temps de rêver que je loupais le départ. Je me réveille doucement. Je prends mon petit déjeuner: 2x cracottes de seigle avec un duo fromage de chèvre-jambon et 2 autres beurre de cacahuète-banane. Ensuite, je me prépare avant d’aller tranquillement m’échauffer une quinzaine de minutes. Petit footing avant d’enchaîner quelques gammes pour faire sérieux. Et je termine avec 4-5 lignes histoire d’effrayer la concu’.
3:55. On n’est pas passé loin du fiasco. J’arrive sur le départ et me place sur la première ligne. Mais là, je percute que je n’ai pas effectué mon pointage…le speaker annonce même un décalage du départ en raison d’une saturation au niveau de l'équipe d’enregistrement. Je fais donc le tour du sas de départ pour m’apercevoir que je suis presque le dernier et qu’il reste un bon tiers de coureurs à pointer. Bah oui…1300 personnes, ça ne se fait pas en 5 minutes, surtout quand tu es seul pour l'opération. Angoisse totale…je décide donc de prendre la tangente et j’arrive tant bien que mal à me repositionner en 5è ligne. Ouf, je ne vais pas avoir besoin de faire le slalom géant. Sauf que tout ça m’a complètement sorti de ma bulle. J'en oublie même d’actionner ma montre avec le tracé (heureusement, je connaissais bien la route car le balisage orange à côté des fleurs de la même couleur pouvait prêter à confusion).
4:10, top départ! Prêt ou pas, je pars à 3’50” du kilo et…c’est trop fort. Les 3 kilomètres suivant tournent à 4’35. C’est toujours trop fort. Les premières pentes vont faire du bien…ça va calmer tout ce petit monde…moi en particulier. Le profil est montant avec de beaux pourcentages et j’arrive vite au bout des 5 kilomètres de route pour 225 m de D+. On va pouvoir attaquer la randonnée avec le sentier du Cap Anglais et ses 1300 m de D+. C’est agressif. Je me fais déposer par Charlotte, première féminine. Le rythme est costaud et, après 1 heure entre 800 et 1200 m/h, je commence à devenir lactique. Le corps me fait comprendre 3 choses. 1- Je suis parti un poil trop vite. 2- Les efforts soutenus accompagnés de gel énergétiques à 4:00 du matin, c’est pas ouf. 3- La dernière semaine n’a pas été assez reposante pour prétendre à de plus gros efforts. J’arrive au sommet en 2h10 et profite des magnifiques lueurs du jour pour reprendre espoir. La descente du Bloc est joueuse. Ça va finir par me réveiller. Faux. Habituellement si à l’aise, je subis complètement. Les quadriceps piquent et je ne me sens pas à l’aise. Les sensations ne sont pas bonnes. Je dois avancer prudemment. Bon, je descends quand même les 4 kilomètres et 1000 de D- en 35 min. Je profite pour me ravitailler et j’entame une section roulante, composée de nombreuses relances. Problème, je n’arrive plus du tout à courir en montée. Je cours en descente. Sur le plat. Mais dès qu’arrivent 5 marches, je suis à l’arrêt complet. J’ai le sentiment de subir le sentier. Ça devient très pénible. D’autant que la cheville gauche tourne fortement. Je pousse un cri et clopine bien pendant 5 minutes. La douleur est importante. Je suis à nouveau à Cilaos, octobre 2024. Je pense très sérieusement à mettre le clignotant. L’excuse est parfaite. Non. Impossible. Pas cette fois. Je diminue mon allure. La douleur s’estompe progressivement et je rejoins la route menant au pied du Taïbit. Ici, je retrouve Juju qui m’encourage. Je lui fais comprendre que la journée va être longue et pénible. Je broie du noir et me rends compte que je m’égare complètement du jeu que j’aime. Avant d’attaquer les 800 m de dénivelé que nous propose le Taïbit, je décide de changer d’approche. J’irai au bout, même en marchant. Je redeviens positif. J’encourage, je discute et je retrouve le sourire dans l’effort. J’entame la montée avec Reshad et nous échangeons durant une bonne demie-heure. J’imprime un bon rythme pour passer le col en 56 minutes. Nous rattrapons d’ailleurs Charlotte au sommet qui imprime une sacrée cadence!
La traversée de Mafate se fera sur un rythme régulier. Le jour est bien levé et c’est l’heure de produire des efforts. Je suis mieux mais j’ai toujours de grosses difficultés à courir en montant. J’appuie donc fort sur les jambes. Ça marche! J’ouvre la route pour Charlotte désormais. Elle va faire un peu l’accordéon mais elle accroche bien. Passage par la Plaine des Tamarins, toujours aussi belle. Le sentier est de plus en plus technique pour rejoindre le col des Boeufs. Les randonneurs que l’on croise nous encouragent chaudement. Enfin, on bascule sur Salazie pour les 15 derniers kilomètres. 10 de descente, 5 de remontée. Je suis alors autour de la 17è place. Charlotte descend bien. Je la suis et reste dans ses pas durant les premiers kilomètres. Je décharge mentalement car j’ai eu peu de relais depuis la descente du Bloc. Ça fait du bien. Je trouve des jambes à partir du PK40! Je profite d’un temps plus faible de sa part pour prendre le lead. Malheureusement, elle ne suivra pas. Je décide d’envoyer. Ça fait mal. Je récupère 1, 2 puis 3 coureurs. Aucun n’accroche mon train. Je suis mieux. J’arrive à Grand Sable, dernier point de ravitaillement avant l'arrivée. Il reste 5 kilomètres de route et quelques 300 mètres de D+. Je ne vais même pas faire semblant de les courir. J’attaque fort avec une marche appuyée. Je rattrape Fredie à 1 kilomètre de l’arrivée. C’est vraiment dur pour tout le monde. Encore quelques escaliers avant d’arriver au stade Paul Dominique Hubert. C’est fait! Je retrouve Coline et nous passons la ligne ensemble. Avec le sourire!
Résultat: 7h34’57” de course. 12è au scratch (sur 920 coureurs à l’arrivée). Victoire en catégorie Master 0 après bonification. Finalement, je termine à 5 minutes de mon estimatif et à 1’30” du Top10. Même si tout ça semble bien anecdotique au regard de mon état de forme, l’important est de sortir le positif à 1 mois et demi du Grand Raid…et il y en a:
- RAS au niveau des tendons et genoux
- RAS au niveau du dos malgré une douleur qui me suit depuis 15 jours. Merci à mon ostéopathe David pour le travail effectué cette semaine
- Une bonne préparation des pieds et aucune ampoule à déplorer malgré des passages dans l’eau
- Une cheville flexible et résistante
- Une assez bonne gestion des temps faibles (je n’ai pas pété)
- Une fin de parcours positive avec des jambes qui répondent et me permettent de terminer fort
- Une gestion autonome des ravitaillements correcte avec 3 minutes d’arrêt sur 5 points
Merci à l’organisation RANDORUNOI et aux bénévoles pour nous permettre de vivre ce type d’événement. Un grand merci pour les encouragements et l’aide sur les ravitaux. Bravo à l’ensemble des coureurs et des coureuses. Merci à Co pour m’avoir accompagné dans cette aventure ainsi qu’à vous tous pour vos encouragements.
Place à quelques jours de récupération avant la dernière ligne droite et le grand récital d’octobre!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire