Boucle du Cœur de l’Est : J+2 [FINISHER…avec un podium en M0]
Initialement, ce dernier dossard de l'année se voulait être une évaluation de mon état de forme après la Diagonale des Fous mais aussi et surtout une façon de bien terminer cette (fabuleuse) année en prenant un maximum de plaisir.
Avant toute chose, on reviendra sur la notion de plaisir…enfin, il y en a bien eu a l'échauffement. Un peu dans le premier pétard lorsqu’un tangue a fait la course avec moi sur 5 mètres avant de bifurquer dans un bosquet. Et, évidemment, aux différents points de ravitaillement. Parce que oui, les bénévoles de cette BCE ont été exceptionnels! Je tiens déjà à les remercier pour l’aide logistique dans la gestion de mes flasques mais aussi et surtout pour leurs sourires, leurs encouragements et leur bienveillance!
Alors, ce résumé…par où commencer? Départ officiel de ce trail long de 63 km pour 2 800 m de dénivelé à 3h00 du matin depuis le village de Hell-Bourg. Après un bout de nuit moyennement reposant en tente (parce que l’aventure, tu la vis à fond ou c’est pas la peine), mon réveil et ma mise en bulle se passent plutôt bien et je me sens d’attaque. J’avais envie de prendre du plaisir mais officieusement, j’avais dans un coin de ma tête dimensionné cette “ballade dominicale” en 8 heures et 01minute…et je savais que derrière les 4 Mousquetaires (interprétés par nos têtes d’affiches du jour et élites locaux), il resterait une place à prendre pour Albert…le cinquième Mousquetaire. J’avais donc bien envie de jouer ce petit rôle en complétant le quinté. Mais avant ça, il fallait venir à bout d’un parcours exigeant, technique, boueux et glissant!
Vous êtes prêts pour cette dernière aventure 2023? 3, 2, 1, partez! Départ sur un bon rythme. Les 4 km de mise en jambe se font en 18 minutes avant d’attaquer le pétard de la journée. +1 500 m sur 8 km avec des pentes comprises entre 20 et 40 % pour rejoindre le Cap Anglais et le gîte du Piton des Neiges. J’arrive au premier ravitaillement du Cap en 2h03. Je suis alors 5è mais l'écart avec Mathieu (4è) est déjà de 8 minutes. Derrière, c’est assez proche et je vois les frontales de 2 coureurs à moins de 3 minutes. Côté sensations, je ne m’affole pas car ça va être long. En effet, la montée s’est bien passée pour moi mais je sais que les prochains kilomètres de descente vers Mare à Boue vont être compliqués. Entre les blocs rocheux, les flaques et la boue, le terrain est technique et glissant. De plus, j’aurais le soleil de face. J’aborde le sentier prudemment mais me fais plusieurs frayeurs jusqu’à la première chute. Ensuite, c’est une succession de glissades et de chocs contre les cailloux qui me font perdre ma confiance du jour. Et c’est à PK15 que je perds toute notion de plaisir, lorsque ma chaussure reste accrochée à une racine et que j’entends un gros “craaaaatch”...avant de trébucher. Je me relève pour faire un rapide état des lieux. Ma chaussure droite est touchée mais pas coulée. Je constate une grosse déchirure sur la membrane supérieure. Nooooon…mes belles chaussures. Bon, je fais rapidement mon deuil et reprends ma descente. J’arrive enfin au niveau des Plaines et aperçois le ravitaillement de Mare à Boue (PK24). Je m’en suis rendu compte il y a quelques kilomètres, malgré un lever de soleil incroyable au-dessus du Volcan et une belle météo, la journée va être loooooooongue…je quitte Mare à Boue avec 15 minutes d’avance sur mon estimatif. Edouard (6è) arrive à ce moment et semble également touché. Je repars pour quelques kilomètres de route avec un rythme correcte. Je relâche également mon corps, quelque peu crispé. Jusque PK34 et Piton Textor, les paysages me font du bien. On est au niveau des Plaines, c’est vallonné, il y a des vaches et des chevaux. C’est vert et ça sent la campagne. J’ai l’impression d'être à la maison et c’est une sensation agréable. Même si côté course, j’ai les jambes lourdes et mes relances ne sont pas franches.
La descente jusqu’au 4è ravitaillement est vraiment délicate. 800 m de D- dans un sentier boueux avant de reprendre la forêt de cryptomerias et son tapis de racines plus glissantes les unes que les autres. Ça descend fort, ça glisse beaucoup, je tombe à nouveau lourdement mais sans gravité. 8,5/10 pour la figure, une jolie double roulade! PK38, je découvre la longue portion de route du parcours. 10 km. Je peux dérouler sur les faux plats descendants et relancer un peu. Mais après PK44 et un ravitaillement express, la route bétonnée, la chaleur de la matinée, l’absence d’ombre et la légère pente ascendante me font mal. Malgré les encouragements des riverains et cyclistes, je n’avance plus. Je me retourne. Edouard est à 300 mètres derrière moi. Paradoxalement, je suis content. J’en ai marre d'être seul. Et même s’il a les jambes et qu’il me dépasse, je suis soulagé de le voir revenir sur moi. Petite tape dans la main avant de constater que lui aussi est fatigué. Il ne relance pas et nous commençons un peu à discuter. Ça me fait du bien. Avant de rentrer dans la forêt de Bébour, je reprends de l’avance sur lui. Il n’accroche pas. Nous nous souhaitons bon courage pour les 12 derniers kilomètres (théoriques) avant que je n’entre réellement au coeur de l’Est…oui, le coeur. Je vais vite comprendre pourquoi et toi aussi.
Ici, le sentier se rapproche plus du parcours du combattant que d’une trace de trail. Il n’est pas dégagé. Des arbres sont en travers. Tu dois escalader. Parfois ramper. Quand tu penses relancer, tu t’enlises dans 10 cm de boue. Une horreur. Je n’en vois pas le bout et ça continue de monter…je regarde ma montre: 09:59. Un panneau m’indique 2h20 jusqu’au gîte de Bélouve. Je calcule rapidement. Ça, plus la descente vers Hell-Bourg estimée à 600 de D- sur 4 kilomètres. J’en ai encore pour 1h30… Et ça fait déjà presque 10 heures que je suis dans les sentiers? Quelle galère je me dis! Gros coup au moral. Au final, je lisais l’heure et non pas mon temps de course. 8 heures de course à PK58. C’est déjà mieux mais le ressenti est bel et bien là. Je ne m’en sors pas…et je comprends que le tracé ne va pas s'arrêter à PK63. On va avoir droit à des prolongations. Engagez-vous qu’ils disaient. Super! A ce moment, j’ai envie de tout laisser tomber. Le temps, la place, plus rien n’a d’importance. Comme la sensation de ne pas être au niveau. De ne pas être en forme. Pire encore, de ne pas réussir à changer de dynamique. A inverser cette tendance et trouver ma mentalité de guerrier qui m’avait tant aidé sur d’autres événements.
L’avantage d'être seul avec toi-même, c'est que tu reflechis. Oui, ça arrive et ça m’arrive. Après analyse, je prends conscience que j’ai gardé en référence mes 40 derniers kilomètres de la Diag'. Ces 40 crans où j'étais complètement drogué par l'adrénaline et les gels énergisants. Les statistiques montreront que, au bout du compte, je nétais pas si mal avec mon mode bulldozer…
Toujours est-il qu’à cet instant, la jolie route bétonnée que j’ai détesté quelques kilomètres plus tôt commence à sérieusement me manquer. Parce que cette forêt, c’est la Barckley! Au bout du rouleau, tu essaies sans grande conviction de courir mais là, c’est le chantier. Tu patines dans la boue. Tu ne vois pas où tu mets les pieds. Tu glisses. Tu trébuches. Et tu entends quoi à moins de 50 m sur ta parallèle? Une voiture qui roule sur une belle route bétonnée. Lisse. Plate. Aaaaargh, ça m'énerve!
Au bout du bout, je retrouve enfin le chemin forestier qui mène vers le gîte de Bélouve, le dernier ravitaillement et la descente vers le stade de Hell-Bourg. Derniers 600 m de D- et quelques 4, 5, 6 kilomètres? Je n’en sais trop rien, j’ai déjà plus de 60 kilomètres au compteur… Pour l’avoir déjà fait 2 fois, je sais qu’elle se descend bien. Mais aujourd’hui, j’ai mal et ça glisse encore un peu. J’essaie de foncer car je veux en terminer au plus vite. 37 minutes pour descendre 5 kilomètres et presque 600 de dénivelé. Et une cheville seulement! Ça aurait pu être pire. Enfin, j’arrive sur le dernier kilomètre de bitume. Personne derrière moi. J’entre dans le stade et m’approche de l’arrivée. Je ralentis. Je marche les 10 derniers mètres. Je serre les points en passant sous l’arche et je hurle de toute mes forces. De la rage.
Finalement, le résultat est plus que bon étant donné les conditions et un tracé un peu plus long que prévu (3 km et surtout presque 450 m de dénivelé supplémentaires d'après ma montre). Ceci explique en partie l’écart avec mon estimation initiale. Parce oui, je termine en 9 heures 01 minute et accroche ainsi le Top 5 (sur 173 inscrits) derrière les têtes d’affiches J. Boyer, J. Sautron, F. Mithridate et M. Desserprit. Edouard terminera à la 6è position. Alors oui, il y aura eu de la douleur, des sensations compliquées à gérer, un manque d'énergie, de longs moments dans le dur, …mais je me dis que le résultat et la satisfaction de l'arrivée n’en seront que plus grands. D’autant plus que la bière d’après course pourra être savourée puisque je suis récompensé en terminant second de ma catégorie M0 - Master 0 (générations 1985-1989)!
Je conclu ainsi cette première saison de trail et vais pouvoir profiter des dernières semaines de l'année pour (vraiment) me reposer et faire le bilan avant de reprendre les choses sérieuses en 2024.
Merci et bravo à l’organisation UTOI - Ultra Trail de l’Océan Indien, ainsi qu’aux bénévoles présents tout au long du tracé. Bravo à l’ensemble des coureurs de cette première édition de la Boucle du Cœur de l'Est et un énorme respect à tous ceux qui ont pris le déluge!
Enfin, un grand merci aux habituels supporters pour vos messages qui me font vraiment beaucoup de bien!
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